jeudi 26 février 2009

Le petit train dans la campagne


J’aime le son du train le soir au fond des bois. Il apporte le bonheur dont l’ombre court à travers les prés, les champs, le long des rivières et des fleuves. Un coup de sifflet, puis un grondement et un bruit trépident, enfin il apparaît implacable, rapide avec sa force tranquille et sûre et c’est toujours une émotion dont je ne me lasse jamais. Et quand il disparaît, je repense aux chansons dont les paroles nostalgiques racontent la magie des voyageurs, des locomotives, des wagons, des gares, des pays traversés, je repense encore et toujours au train que l’on prenait pour partir en vacances, et aussi à Noël lorsque avec mes frères, nous regardions, la bouche pleine de chocolat, un peu enivrés par l’odeur du sapin, le petit train qui tournait des heures entières sur le petit circuit que nous avions monté.

dimanche 22 février 2009

Le moulin de Noant


Je suis un pauvre moulin abandonné au centre de la France. Mes ailes ne tournent plus depuis longtemps et les paysans me tournent le dos, c’est à peine s’ils me voient : je fais parti des murs . Ah les ingrats ! Bon il y en a bien qui se démènent, ils mettent des panneaux pour qu’on vienne me voir. Il faut dire que j’ai des collègues qui ont plus de chance. Ils ont des visites organisées avec un animateur et même j’ai entendu dire qu’à Cucugnan , le moulin broie du vrai blé. Celui-là au moins, il passe une bonne retraite. Mais moi qu’est- ce que je m’ennuie avec mes quatre ailes dans le vent. Je ne peux m’empêcher de penser à la bonne époque où les moissons arrivaient par charrettes entières et repartaient transformées en bons gros sacs de farine. C’est vrai qu’il y en avait pas pour tout le monde. Et puis le vent, malgré les prières, qui ne voulait pas souffler, et la guerre et la famine, les mauvaises années et j’en passe et des meilleurs. Mais par ces temps d’angoisse, on se consolait avec des histoires à dormir debout comme celle de ce chevalier hurluberlu qui nous chargeait avec sa lance parce qu’il nous prenait pour des géants. Enfin je voudrais bien être comme les hommes : pouvoir mourir et ressusciter au paradis mais attention pas n’importe quel paradis, le paradis des moulins. Je serais parmi d’autres au bord de la falaise, face au vent. On se ferait des signes les uns les autres avec nos ailes et les mouettes sonores écriraient sur la page bleue du grand large les mots de liberté, d'éternité et je crois qu’il y en aura au moins un qui,du haut du ciel, nous regarderait avec un large sourire, c’est ce bon meunier Maître Cornille qui nous a défendu jusqu’au bout avec ses ânes aux sacs remplis de pierres pour faire croire qu’il travaillait comme avant au temps où les enfants formaient des rondes et chantaient à tue-tête : « Meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop vite, Meunier tu dors, ton moulin, ton moulin va trop fort ».

mercredi 18 février 2009

L'est temps.


Il est temps d’aller à l’étang, de rentrer dans sa coquille, de se replier sur soi et de s’asseoir au bord de son âme. Cependant la lune se lève et dans la brume apparaissent les farfadets qui dansent au son de la vielle et de la cornemuse. Champagne pour tout le monde. Le cœur est en fête, adieu méditation, le bonheur est dans le pré, « cours y vite » nous dit-on. Alors il est temps de quitter l’étang et d’aller courir dans l’herbe et tant pis si les vaches nous broutent le cerveau. Toute la nuit le corps se dilate aux quatre points cardinaux et quand le jour se lèvera, les illusions s’envoleront comme celles de Pierrette qui emportée par son élan a laissé se verser tout le lait sur le chemin qui sentait peut-être la noisette mais que peut faire l’odeur de la noisette lorsque l’angoisse vous étreint au point qu’il vous semble rétrécir et que le monde vous devient étranger. Alors il est temps de revenir à l’étang et de s’abandonner aux chants des oiseaux, aux couleurs changeantes de l’eau, à la caresse des hautes herbes jaunes auxquelles le vent imprime une oscillation harmonieuse pour que votre âme bercée par le rythme retrouve la paix sur les calmes eaux de l’étang, les calmes eaux d’un étang perdu quelque part dans la forêt enchantée de nos souvenirs.

mardi 10 février 2009

Les camps de la mort



Le train s’arrête, c’est la fin du voyage. Ils descendent affamés, apeurés sous les coups et les hurlements des S.S. L’angoisse leur vrille le corps. Ils savent qu’ils vont mourir et se mettent à hurler à leur tour mais les baraques de la mort les avalent et plus rien. Le silence envahit la place devenue presque déserte et les cadavres ressortent, traînés pour être brûlés dans des grands fours en briques rouges. Des flammes sortent des cheminées, et ces pauvres gens auront disparu à jamais.
Bien des années plus tard, les arbres ont poussés mais ils sont toujours là. Au printemps dans le bruissement du feuillage, des voix incessantes murmurent : « Pourquoi nous ont-ils fait cela ? » et lorsque l’hiver arrive et que le vent souffle à travers la forêt dépouillée, et que les branches décharnées s’agitent comme des bras de naufragés sur un radeau à la vue d’un cargo, des cris s’élèvent et l’on peut entendre : « Ne nous oubliez pas, ne nous oubliez pas.»
Et désormais, la mémoire des hommes comme le ciel va osciller du gris au bleu jusqu’au soir où l’incendie du couchant embrasera l’horizon du souvenir.
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lundi 2 février 2009

L'église romane



. Le vent mauvais souffle à travers les arbres dénudés et les corbeaux tournoient dans le ciel gris. Une vieille femme ramasse du bois mort dans la forêt. Elle pense à son mari qui ne va pas bien et qui n’en n’a peut-être plus pour très longtemps. Sur le chemin du retour, elle voit l’église du village et sans réfléchir dépose son fagot et pénètre à l’intérieur. Dans l’obscurité de la nef, sa vie se déroule au fur et à mesure qu’elle remonte lentement les travées : les joies les peines, les naissances, les deuils, son mariage, la guerre…Puis arrivée devant l’autel, la douce lumière du chœur remplit son cœur d’une joie si pure, si tendre qu’elle se revoit sur les genoux de sa maman qui la berçait en lui chantant : « il pleut, il pleut bergère rentre tes blancs moutons ».